Luxe et Developpement durable: Paradoxe ou nouvelle Puissance?
Les secteurs du Luxe et du développement durable sont-ils antinomiques ou accordés à l’émergence d’une nouvelle puissance ?
Ensemble avec Anne Sophie Bordry, consultante innovations et impacts sur la société, nous avons voulu partager notre point de vue sur cette question centrale à une époque où toutes les maisons du luxe commencent à mettre la RSE au cœur de leurs préoccupations stratégiques.
Le luxe et le développement durable peuvent en effet sembler incompatibles, voire paradoxaux. Cependant, nous souhaitons remettre en question cette perception pour trois raisons clés :
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La transmission
Tout d’abord, la transmission est au cœur de la mission du luxe. Il vise à produire des biens destinés à être transmis aux générations futures. Pour atteindre cet objectif, des produits d’une qualité exceptionnelle sont nécessaires. Le véritable luxe est conçu pour être conservé, plutôt que jeté. De plus, l’émergence de marchés de seconde main permet de revendre des produits de luxe et de leur donner une nouvelle vie, renforçant ainsi leur durabilité. La collection de lignes de produits de qualité renforce aussi ce positionnement intemporel du luxe. Ainsi, l’éphémère est antinomique à la recherche d’une esthétique durable. Les histoires de l’art et le luxe sont intimement liées et font non seulement l’objet d’études, mais aussi de préservation, comme un héritage. C’est justement le positionnement de Patek Philippe, « A striking heritage ».
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La tradition
Ensuite, la tradition joue un rôle crucial dans le luxe. La production artisanale, fondée sur un savoir-faire local et des techniques de fabrication spécialisées, est au cœur de cette industrie. Contrairement à d’autres secteurs, le luxe concourt au développement de l’expertise des territoires, notamment en France, pour préserver son unicité. Il dispose également de moyens nécessaires pour privilégier ses méthodes de production traditionnelles plutôt que de rechercher des solutions à bas coûts ailleurs. Le savoir-faire, le geste artisanal se transmet entre générations de maîtres d’art, d’artisans ; il constitue le cœur battant du patrimoine immatériel inhérent à la culture de nos territoires. Les apprentis en sont l’émanation dans les structures abritant l’industrie du luxe, et c’est l’ADN de Chanel, Hermès ou Dior, par tradition et pour toujours viser l’excellence.
Le cuir Reishi de MycoWorks utilisé dans le sac Victoria de Hermès (©Coppi Barbieri pour MycoWorks)
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Les tendances
Enfin, le luxe a toujours cherché à être en avance sur les tendances, à innover et à influencer les comportements des consommateurs et les tendances sociétales, notamment dans la mode. Cela nécessite une innovation constante. Depuis que le développement durable est devenu une priorité stratégique pour le luxe, les maisons de luxe investissent massivement dans le développement de matériaux alternatifs, éco-responsables, basés sur de nouvelles technologies et matières premières.
Par exemple, remplacer les peaux d’animaux par des champignons ou des fibres végétales, ou créer des alternatives aux pierres précieuses à partir de déchets. L’innovation précède les usages ; c’est en cela que le secteur du luxe participe à la création de la tendance, par l’exemplarité des choix techniques et technologiques qui façonnent son image et qui engagent des pans entiers de la société vers des ambitions respectueuses de l’homme et de la nature.
L’intelligence artificielle permet de dessiner l’avant-garde, elle est résolument l’alliée du luxe à la fois pour accompagner la création mais aussi la confection jusqu’à l’appropriation. Lalique a par exemple toujours voulu sublimer la nature en la respectant, en créant des bijoux uniques et d’exception selon les savoir-faire de son époque. Gucci a mis en avant dans ses collections le cuir végétal conçu à partir du cactus, grâce à une collaboration avec une start-up mexicaine. Récemment, Hermès a débuté la production de sacs à main à l’aide de fibres de champignons. Boucheron utilise désormais une nouvelle matière qui ressemble à l’obsidienne réalisée à partir de déchets industriels incinérés et traités.
Sac Victoria d’Hermès, en toile, cuir de veau et alter-cuir Sylvania, développé avec la technologie Fine Mycelium de MycoWorks, dévoilé le 11 mars 2021 (©Coppi Barbieri pour MycoWorks)
Le luxe par sa rareté engageait le respect du développement durable jusqu’à ce qu’il explose dans une industrie qui, pendant un temps, a donné l’image d’une certaine déliquescence de ses racines respectueuse de l’Humanité. Mais, comme c’est en réalité sa vraie nature, il y revient en s’y engageant à nul autre pareil. La prise de conscience d’un nécessaire retour aux sources du secteur du luxe respectueux de l’environnement gagne ainsi depuis quelques temps toutes les entreprises et maisons d’exceptions. Ce secteur est désormais résolument déterminé à jouer un rôle majeur dans la nécessaire transition écologique pour participer à la création du monde de demain.
C’est aussi son rôle, c’est en cela que nous croyons au luxe comme fer de lance des ambitions de décarbonation ; ainsi pour nous, les secteurs du luxe et du développement durable s’accordent à l’émergence d’une nouvelle puissance !
Conscientes que le luxe peut et doit jouer un être moteur dans la transition écologique et sociétale, de nombreuses maisons de luxe ont récemment créé des départements RSE, ont recruté des directeurs en développement durable et recherchent des talents dans le domaine. Des écoles de commerce commencent également à répondre à cette émergence grandissante du luxe durable en lançant des programmes de formation spécialisées comme Audencia Business School, école de commerce pionnière en développement durable. Dès septembre 2024, des étudiants peuvent suivre le premier Master of Science en Luxe Durable (MSc Sustainble Luxury Management) proposé sur le nouveau campus de l’école à Paris.
Cet article était co-écrit par Michaela Merk, experte, conférencière et professeure à Audencia Business School dans le domaine du luxe, et Anne-Sophie Bordry, consultante innovations et impacts sur la société, Adjointe au maire Paris 15 en charge de la ville connectée.